Substances contenues, circulation sur le marché, autorisation d’utilisation, voici autant de sujets sur les pesticides qui reviennent régulièrement dans les débats. Aussi bien au niveau national qu’européen, les démarches, recours, études s’enchainent mais avec des résultats contradictoires. En ce mois de février, les règlementations sont à nouveau reconsidérées. Faisons le point sur le sujet.
De l’hexagone…
Le jeudi 2 février, un recours au Conseil d’État pour contraindre le gouvernement à mieux prendre en compte la toxicité des pesticides avant leur mise en circulation sur le marché a été déposé par une trentaine d’organisations (dont Notre Affaire à tous, la Confédération paysanne, Générations futures, etc.) et 28 député·es de la NUPES. Ils veulent que le gouvernement respecte la règlementation européenne concernant l’évaluation des pesticides. Cette dernière exige que la toxicité de l’ensemble des composants des pesticides soit prise en compte, là où seules les substances actives déclarées par le fabriquant sont contrôlées.
Pour ces associations et ces élu·es, l’État français ne se soumet pas à cette réglementation. La composition complète des pesticides tels qu’ils sont commercialisés n’est pas évaluée et laisse de côté un bon nombre de substances dangereuses. Parmi ces produits, on retrouve des substances non déclarées ou déclarées comme inertes alors qu’elles peuvent avoir un effet plus important, voire plus toxique, que la substance déclarée active. Pourtant, un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, du 1er octobre 2019, indique que « les procédures conduisant à l’autorisation d’un produit phytopharmaceutique doivent impérativement comprendre une appréciation non seulement des effets propres des substances actives contenues dans ce produit, mais aussi des effets cumulés de ces substances et de leurs effets cumulés avec d’autres composants dudit produit ».
Ce recours n’est pourtant pas une 1ère tentative. En octobre 2022, une mise en demeure avait été envoyée à la Première Ministre, Elisabeth Borne. En janvier 2022, un autre recours avait été déposé contre l’État pour manquement à ses obligations de protection de la biodiversité, notamment sur la mise sur le marché de pesticides.
… jusqu’au cadre européen
Au niveau européen, le dossier des pesticides et des produits chimiques est très attendu. L’Agence européenne des produits chimiques (Echa) a dévoilé mardi 7 février dernier sa proposition pour débarrasser l’Europe des « polluants éternels ». La plupart sont des composés perfluorés (substances chimiques de synthèse) présents dans de nombreux textiles, dans les emballages alimentaires, les revêtements ou encore l’électronique. Ils peuvent s’accumuler dans le corps humain et l’environnement et ils ne se dégradent pas ou très peu. Ils sont la cause de dommages considérables pour nos écosystèmes mais aussi à notre santé. Ils peuvent causer des cancers ou des dérèglements du système hormonal, reproductif et immunitaire.
Plus de 10 000 substances sont pointées du doigt. Cinq États (L’Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas, la Suède et la Norvège) sont déterminés à essayer de mettre en place des mesures radicales visant à mettre un terme à la fabrication, la mise sur le marché et l’utilisation de l’ensemble de ces substances dangereuses. Une consultation publique débutera le mois prochain et devrait s’achever en septembre 2023. Ce sera la Commission européenne quoi tranchera.
L’affaire des néonicotinoïdes
Le sujet des néonicotinoïdes est une bonne illustration des difficultés à mener une politique claire dans le domaine des pesticides : la France avait accordé une dérogation pour autoriser leur utilisation. Ces produits agissent sur le système nerveux des insectes parasites pour protéger les plantes, mais ils se dispersent très facilement et atteignent beaucoup d’autres éléments de la faune et de la flore, détruisant ainsi une partie importante de la biodiversité, comme les abeilles. Ils sont utilisés dans la culture de la betterave en France et il y avait jusqu’ici une dérogation en dépit de la dangerosité de ces pesticides. La Cour de justice de l’UE a rendu illégales de telles dérogations et la France a dû interdire son usage en février dernier. Mais de nombreux lobbys et groupes d’agriculteurs sont contre une telle mesure. On mesure ici toute la difficulté à construire une Europe verte alors que cela est indispensable pour la biodiversité en France et en Europe.