Le sexisme s’enracine
Les stéréotypes de genre progressent fortement. Chez les hommes on observe « une adhésion toujours plus forte aux stéréotypes masculinistes et chez les femmes une injonction importante à la féminité »..
• 70% des hommes pensent qu’ils doivent prendre soin financièrement de leur famille pour être respectés et 31% qu’il faut savoir se battre
• 78% des femmes pensent que la société attend d’elles qu’elles soient sérieuses, 60% discrètes et 52% qu’elles aient des enfants.
• 9 femmes sur 10 ont déjà renoncé à des actions ou modifié leur comportement pour ne pas être victimes de sexisme.
Ces stéréotypes sont particulièrement forts chez les 25-34 ans.
• 40% des jeunes hommes pensent qu’il est difficile d’être un homme dans la société actuelle voire qu’on « s’acharne contre eux »
• 52% qu’il « n’est plus possible de séduire une femme sans être vu comme sexiste »
• 35% qu’il n’est pas anormal qu’un homme gagne plus qu’une femme à travail égal.
• 58% jeunes femmes pensent qu’une femme doit faire passer sa famille avant sa carrière.
C’est « une réassignation des femmes à la sphère strictement domestique », ce qui est particulièrement inquiétant pour le HCE. Sur les réseaux sociaux, il s’agit même d’une vraie tendance, les profils Instagram « tradwife » nous replonge en plein dans les années 1960, avec des « housewifes » souriantes et visiblement pas désespérées.
Le HCE décrit les trois incubateurs du sexisme : il est communiqué et assimilé dès l’enfance dans le foyer et à l’école puis véhiculé dans toute la société via le numérique. C’est pour le Conseil, une construction sociale, il parle même d’une véritable « éducation » au sexisme.
À l’origine la famille :
Les parents sont convaincus d’avoir éduqué leurs enfants de la même manière quel que soit leur sexe, ils sont 41% à penser l’avoir fait à tous les niveaux interrogés : scolaire, activités, choix vestimentaires, valeurs. Pourtant dans les faits :
- 62% des filles de 15-24 ans considèrent ne pas avoir été élevées comme leurs frères.
Ainsi nous précise le rapport, « la féminité et la masculinité sont des rôles attribués très tôt au sein même de la famille et sont souvent perçus comme des différences ʺnaturelles ʺ ». Très tôt donc, on favorise donc :
- la force, la compétition, le mépris de la faiblesse chez les garçons
- l’écoute, l’empathie, la douceur et la docilité chez les filles.
Les jouets restent les « bras armés du sexisme » : seulement 3% des hommes ont reçu une poupée dans leur enfance et 4% des femmes des petites voitures. Or au-delà du fait de perpétuer les stéréotypes de genre, ces rôles attribués dans les familles sont « autoréalisateurs » et vont avoir des conséquences tout au long de la vie.
Vient ensuite l’école :
Une personne sur deux considère que femmes et hommes ne connaissent pas le même traitement à l’école. Celle-ci est même perçue comme de plus en plus inégalitaire (+11 points sur 2 ans).
Le sexisme s’inscrit dans l’occupation de l’espace :
- aux garçons le centre de la cour, (le football constitue 90% des espaces disponibles des cours de récréation)
- aux filles la périphérie
Les discriminations liées aux tenues vestimentaires sont vécues majoritairement par les filles, qui adoptent très tôt des stratégies d’évitement.
Le corps enseignant a tendance à se comporter (souvent sans s’en rendre compte) de façon différente avec les filles et les garçons, il favorise
- la restitution des leçons par les filles
- l’analyse ou les formulations d’hypothèses par les garçons.
- En classe, les filles sont interrogées 30% de temps en moins que les garçons.
Ce qui a une « implication directe sur la confiance en soi des filles et leur ambition scolaire ». Cela la se retrouve dans les choix d’orientation : 74% des femmes déclarent ne jamais avoir envisagé leur carrière professionnelle dans le domaine technique ou scientifique. Cela génère donc des inégalités professionnelles structurelles avec une sous-représentation des filles dans les filières prestigieuses porteuses d’emploi.
Et pour finir le numérique :
La conscience des inégalités est forte puisque 72% des femmes de 15 à 24 ans estiment que les femmes et les hommes ne sont pas traités de la même façon sur les réseaux sociaux. Entre la violence en ligne, les images stéréotypées, la pornographie, « le numérique participe pleinement à la culture sexiste ». Le HCE démontre que
- 88% des 100 contenus les plus vus sur YouTube,
- 68% sur Instagram
- 42,5% sur TikTok
font la part belle aux stéréotypes de genre.
Tout aussi édifiant : 100% des vidéos les plus vues dans la catégorie « enfant » véhiculent, ce qui « participe à la normalisation des hiérarchies de genre et à l’incubation du sexisme dans les mentalités », pointe le rapport.
Le plus inquiétant toutefois c’est la pornographie, facile d’accès, elle livre une image particulièrement dégradée des femmes or, elle reste souvent la porte d’entrée dans la sexualité des jeunes qui imitent ce qu’ils ou elles voient : les jeunes garçons estiment la violence comme normale et les jeunes filles n’hésitent plus à recourir à la chirurgie esthétique y compris sur les parties les plus intimes de leur corps.(Lire l’article UNSA éducation)
Des recommandations urgentes
Pour s’attaquer aux racines du sexisme, il faut donc une prise de conscience collective de celles et ceux qui participent à sa construction sociale : parents, école et plateformes numériques.
Il faut aussi une action forte des pouvoirs publics pour prendre en charge la prévention et la lutte contre le sexisme.
Le HCE insiste sur 3 points : éduquer, réguler, sanctionner.
• Eduquer : en déployant un programme d’éducation à l’égalité solide et obligatoire.
• Réguler : d’une part les contenus numériques grâce à l’ARCOM afin d’évaluer les représentations des femmes et surtout de lutter contre la pornocriminalité ; d’autre part le secteur numérique en assurant une plus grande mixité et parité dans la filière numérique
• Sanctionner : créant un « délit de sexisme ».
Le constat est alarmant, notamment chez les plus jeunes. Nous ne cessons de prôner l’importance de la réalisation effective des séances d’éducation sexuelle et affective. Le sexisme n’est cependant pas une fatalité.
Il est urgent que les pouvoirs publics s’emparent réellement de ce sujet. Pour l’historienne Lucile Peytavin, citée dans le rapport « le coût de la virilité » s’élèverait à 100 milliards d’euros/an soit plus que le déficit annuel de la France. De quoi nourrir la réflexion de nos dirigeant.es, pourtant en mal d’économies.
Source : article UNSA éducation