Nouveau référentiel du professeur d’éducation socioculturelle : du neuf avec du vieux et de la bureaucratie en plus …
Publié le mercredi 1 octobre 2025
Le SEA-UNSA a participé en juin dernier au groupe de travail préparant la publication de la note de service DGER/SDEDC/2025-446 du 10 juillet 2025, portant sur le référentiel professionnel des enseignants d’ESC, leurs conditions d’exercice et le pilotage des activités d’animation.
Nos interventions, et celles de nos collègues des autres organisations syndicales, ont permis plusieurs modifications importantes du texte initial, notamment sur la question de la validation de la lettre de mission par le Directeur.
Cependant, vu l’impact que ce texte aura, notamment sur le tiers-temps des enseignants d’ESC (temps consacré à l’animation), le SEA-UNSA souhaite ajouter quelques éléments d’analyse et de réflexion, malheureusement quasi absents de la note de service et à replacer dans le contexte de la célébration des 60 ans de l’ESC,
Fiche individuelle d’actions d’animation :
Chaque enseignant devra désormais remplir une fiche listant ses actions d’animation, à présenter chaque année au Directeur avec un bilan annuel.
Nos inquiétudes :
- Cette fiche a toujours été refusée par la profession car difficile, voire impossible à remplir de façon pertinente, étant donné la variabilité des horaires et des projets. Une animation fonctionnelle n’est t-elle pas annualisée ?
- Elle pourrait ouvrir la porte à une remise en cause des choix pédagogiques des enseignants (activités, projets…).
- À terme, cela risque d’aboutir à un entretien d’évaluation individuel conduit par le seul Directeur, remettant en cause l’autonomie professionnelle.
N’aurait-il pas été plus pertinent de consolider le rôle de l’ALESA et des élèves/usagers, en les impliquant comme véritables acteurs et décideurs des heures d’animation qui leur sont destinées au lieu de se référer aux Directeurs ? N’est-ce pas précisément l’un des objectifs fondamentaux de l’ESC : former des jeunes autonomes, responsables et engagés ?
Commission d’animation trimestrielle :
Cette réunion, présentée comme un outil de pilotage, sera composée de nombreux membres et pilotée par le Directeur. Elle risque surtout de devenir un dispositif chronophage pour les enseignants d’ESC avec le danger de les cantonner à un rôle d’exécutants de décisions administratives. De plus, le rythme trimestriel semble tout à fait en décalage avec celui des établissements et difficilement tenable.
Pourquoi ne pas avoir plutôt renforcé et formalisé les dispositifs de communication existants (ALESA, vie scolaire, échanges directs avec la direction…), plutôt que d’en avoir créé un nouveau, dont on se demande bien comment il pourra fonctionner efficacement ?
Renforcement du Projet d’Animation et de Développement Culturel :
L’analyse du contexte et la définition d’objectifs sont utiles pour donner sens et visibilité à l’ESC dans l’établissement. Cependant, accorder trop d’importance à ce document ne garantit pas la qualité des animations ni des projets. Un PADC « brillant » n’assure pas le succès, tandis qu’un PADC plus modeste peut révéler un véritable dynamisme. Par ailleurs, sa rédaction, pouvant mobiliser jusqu’à trois heures par semaine, peut au final détourner un temps précieux qui pourrait être consacré à l’action auprès des élèves.
Un risque d’immobilisme
Ce nouveau référentiel, qui « empile » planification, réunions, contrôles hiérarchiques et temps de présence obligatoire, suscite de réelles interrogations chez les enseignants d’ESC dont nous nous faisons l’écho. La crainte chez les collègues est que l’excès de bureaucratie et de contrôle freine le dynamisme, génère de la rigidité et finisse au final par décourager.
Or, l’ESC est avant tout un laboratoire d’idées, un espace d’expérimentation continu. Que deviendront alors les initiatives originales face à ce nouveau système de « filtration » ? On peut craindre une fragilisation, de la frilosité, voire un « nivellement par le bas », accompagné d’un surcroît important de tâches administratives déjà lourdes pour chaque initiative portée par un enseignant d’ESC.
Si l’objectif était vraiment de redonner de l’élan à l’animation et au tiers-temps, pourquoi ne pas avoir commencé par une enquête approfondie – à la fois quantitative et qualitative – et menée dans un large panel d’établissements ? Cela aurait permis d’identifier ce qui fonctionne bien et ce qui mérite d’être amélioré et étendu.
Aussi, pourquoi ignorer un enjeu majeur : la concurrence des loisirs numériques marchands ? Ces derniers accaparent de plus en plus le temps libre et l’attention des jeunes, rendant l’animation, dite « de terrain », d’autant plus difficile. Cela exige de l’originalité, de l’adaptation, de la souplesse dans le temps… contrairement à une formule rigide comme celle d’un atelier hebdomadaire fixe par enseignant, accompagné de calculs horaires minutieux, comme le prévoit cette note de service.
60 ans, un contexte nouveau, une exigence d’innovation
L’ESC a profondément évolué depuis sa création. À l’origine, ses apports culturels et d’animation étaient essentiels pour les jeunes internes de nos lycées. Aujourd’hui, les jeunes sont submergés par des sollicitations numériques individuelles, laissant peu de place à l’ennui.
Le travail de l’ESC consiste désormais à recréer du lien social, à aider les jeunes à analyser et à discerner leurs pratiques numériques, à instaurer des temps de réflexion, de pratique et de créativité : ateliers, débats, projets artistiques et citoyens… Autant d’activités bien différentes de celles des années 60. Le monde a changé, et les jeunes aussi.
De plus, cette génération aspire à apprendre librement, selon ses envies, surtout lorsque l’adulte s’approche de son identité et de ses pratiques informationnelles et culturelles.
C’est pourquoi nous regrettons que ce nouveau référentiel ne prenne pas pleinement en compte l’ensemble de ces enjeux. Celui-ci est superficiel, encore trop enfermé dans des cadres horaires rigides et fragmentés, avec une organisation scolaire qui ne permet que rarement d’atteindre totalement les compétences humaines visées.
Ne faudrait-il pas envisager une organisation plus souple ? Une approche plus globale, offrant à l’élève la possibilité de construire un parcours personnel seulement accompagné par un enseignant d’ESC ? Un lieu et un temps spécifique ? C’est déjà ce qui se pratique dans de nombreuses « écoles nouvelles » (auxquelles l’ESC, par ses objectifs, peut aujourd’hui être rapprochée) et qui ont mis en accord leur organisation avec leur projet pédagogique. En mettant le tiers-temps sous surveillance hebdomadaire, ce n’est pas aller dans ce sens …
Les notions de « méthodes actives » et de « prise en compte des jeunes » apparaissent bien dans le référentiel. Cependant, elles en restent au stade d’intentions et ne se traduisent pas par une organisation réellement adaptée aux objectifs pédagogiques visés.
Faut-il imaginer une classe autonome, accompagnée, inversée, etc … ?
N’était-ce pas l’occasion de les identifier, de les expérimenter et de faire de l’ESC un terrain d’essai pédagogique, annonciateur de ce que pourrait être l’enseignement de demain ?
Finalement, le SEA-UNSA regrette que ce référentiel ne se concentre, pour l’essentiel, que sur le contrôle du tiers-temps alors que les enjeux sont différents. Le manque d’ambition apparaît encore plus dans la citation choisie de Luc Carton en exégèse de la note de service : « Il ne s’agit pas de transformer le monde, il s’agit de montrer que cette transformation est possible. »
Pour le SEA-UNSA, comme d’autres acteurs sociaux, et pour beaucoup d’enseignants, dont ceux d’ESC, l’ambition est pourtant claire : porter concrètement et avec les jeunes, des actes réels, pour aller vers un monde plus écologique, plus juste et plus humain.
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