Projet de loi d’orientation en faveur du renouvellement des générations en agriculture

Publié le mardi 19 décembre 2023
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Communiqué partagé : Projet de loi d’orientation en faveur du renouvellement des générations en agriculture

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Avis du SEA-UNSA sur le projet de loi d’orientation en faveur du renouvellement des générations en agriculture censé répondre au double défi du renouvellement des générations d’agriculteurs et des transitions agroécologiques et climatiques.

Avis du SEA-UNSA sur le projet de loi d’orientation en faveur du renouvellement des générations en agriculture

Du processus de concertation autour du pacte et de la loi d’orientation et d’avenir agricoles à venir ressort donc ces articles de loi dédiés à la formation et à l’orientation des futurs actifs du monde agricole. Ils sont censés répondre au double défi du renouvellement des générations d’agriculteurs et des transitions agroécologiques et climatiques. Ces enjeux sont unanimement reconnus mais l’opérationnalité du projet de loi interroge et ses financements sont tout à fait incertains. Or sans assise budgétaire « graver dans le PLF » – pour reprendre les mots du Président lors des Terres de Jim 2022 – la concrétisation des articles de loi nous semble pour le moins incertaine et éphémère.

Le SEA-UNSA restera attentif à l’avancée du parcours parlementaire du projet de loi et participera activement à sa transposition dans les documents d’orientation et de planification de l’enseignement agricole (projet stratégique national pour l’enseignement agricole technique et 7ième schéma prévisionnel national des formations).

Objectifs programmatiques en matière d’orientation, de formation, de recherche et d’innovation.

Cet article apporte des éléments de nature programmatique en lien avec les questions intéressant le système éducatif dans son ensemble. Le SEA-UNSA souscrit aux priorités affichées mais regrette en revanche le manque d’objectifs chiffrés qui rend les choses assez peu concrètes.

  • Augmenter le nombre de personnes formées, certes, mais dans quelle proportion ? Et avec quels moyens humains et matériels ?
  • Augmenter le niveau de diplômes des futurs actifs, soit, mais selon quelles modalités pédagogiques ? Et avec quelle prise en compte du profil et des besoins particuliers des jeunes et des personnes en reconversion ?
  • Développer l’acquisition de compétences en matière de transitions agroécologiques et climatiques, bien sûr, mais pour quels modèles d’agriculture ? Et avec quelle transposition dans les référentiels de diplômes ?

L’imprécision des articles nous laisse donc particulièrement perplexes puisqu’elle interroge notre capacité à faire suivre d’effets les intentions affichées.

Sur les questions d’orientation et de découverte des métiers, la place des régions est désormais centrale. L’article de loi ne précise pas la forme que prendra les programmations évoquées mais elles devront dans tous les cas s’insérer dans un panel de contractualisation locale existant, au risque de limiter leur portée d’action.

Définition d’une sixième mission de l’enseignement agricole.

La loi ajoute une sixième mission à celles déjà conférées aux EPLEFPA mission qui synthétise les enjeux de renouvellement des générations et des transitions agroécologiques et climatiques. Cet article est donc d’importance puisqu’il touche au cœur et aux particularités de notre système éducatif.

Le SEA-UNSA approuve son ajout. Mener à bien cette sixième mission s’annonce en revanche très complexe tant les enjeux interrogent le fonctionnement de l’ensemble de notre système éducatif et de tous ces acteurs.

D’autre part, l’intégration de cette sixième mission entraîne la réécriture de l’article L810-1 du code rural. Le SEA-UNSA se félicite que l’appartenance au MASA remonte au premier alinéa mais s’étonne en revanche de voir disparaître des objectifs essentiels tels que le développement durable, la santé, ou la sensibilisation au bien-être animal. Le renvoi à un article du code de l’éducation explique cette évolution mais affecte néanmoins la lisibilité de celui du code rural, nous le regrettons. Quant au bien-être animal, il disparaît purement et simplement puisque absent du code de l’éducation, ce qui n’est pas acceptable.

L’ordre des missions est également revu, la mission 2 « animation des territoires » passe au rang 4 au bénéfice de la mission d’insertion. Là-aussi symboliquement nous estimons que cette évolution est néfaste tant la mission d’animation des territoires est centrale dans notre modèle d’enseignement. Par ailleurs, nous ne comprenons pas la restriction de la mission d’insertion aux seules actions d’orientation. L’insertion ne se résume évidemment pas à cela, nous souhaitons garder une rédaction plus ouverte et moins restrictive de cette mission en pensant particulièrement aux actions en faveur de l’inclusion scolaire.

Création d’un contrat territorial de consolidation ou de création de formation agricole et agroalimentaire.

La création de ce contrat est à replacer dans un contexte de contractualisation déjà important. Il ajoute au contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelles (CPRDFOP) existant une analyse particulière sous l’angle des métiers et des besoins des secteurs de la production agricole et systématise ainsi ce qui pouvait déjà être le cas dans certaines régions. Le CPRDFOP a pour objectif de rendre cohérente la politique éducative au niveau régional. Il n’a pas la portée des contrats de plan État-Région (CPER) et n’est pas non plus un outil de programmation budgétaire. Le SEA-UNSA s’interroge donc sur l’impact réel de ce nouveau contrat territorial, d’autant plus au regard des enjeux qui sont ceux du projet de loi.

Notons que dans le cadre de la réforme de la voie professionnelle en cours de déploiement (RVP), les régions sont fortement incitées à signer de nouvelles conventions avec l’État (convention de partenariat pour la transformation et la valorisation de la voie professionnelle) qui s’appuient sur les CPRDFOP validés pour la période 2023-2028. Certaines conventions intègrent l’agriculture, d’autres non. Comment le contrat territorial va-t-il s’intégrer dans ce processus déjà en cours ?

Pour le SEA-UNSA, il est également essentiel que les DRAAF gardent leurs prérogatives dans le conventionnement État-Région et qu’il n’y ait pas de basculement vers les préfectures.

Le contrat fixe ensuite des objectifs chiffrés en termes d’ouverture et de renforcement de classes existantes. Les chiffres proposés semblent particulièrement sous-dimensionnés par rapport aux projections ayant fait consensus au cours du processus de concertation (combler -166 000 exploitations agricoles d’ici 2030).

Chiffres mis à part, nous notons que les métiers et les formations qui font l’objet de ce contrat sont parmi ceux qui ont le plus de mal à recruter. L’agriculture et l’agroalimentaire cumulent forts besoins de recrutement, manque d’attractivité et besoin de main d’œuvre important. Dès lors, fixer des objectifs chiffrés est important mais ne réglera évidemment pas les problèmes fondamentaux que sont l’attractivité et l’orientation.

Le contrat territorial s’accompagne également de financements (seulement en enseignants ?) et avec quelle pérennité ? S’il s’agit de n’ouvrir des classes que sur la durée du contrat de 3 ans, l’intérêt semble plus que limité et pratiquement peu réaliste. Nous avons du mal à trouver des enseignants, comment imaginer que l’on puisse en trouver pour des périodes restreintes d’activités ? Sans parler du coût des plateaux techniques associés.

Création d’un Bachelor Agro

Le SEA-UNSA est favorable à la création d’un diplôme de niveau 6 à la fois pour revaloriser les classes de BTSA et accompagner la montée en compétences. En revanche, la forme interroge puisque si les EPL récupèrent davantage la main sur l’élaboration des maquettes pédagogiques, ils doivent continuer à composer avec le supérieur, établissement partenaire, ce partenariat limitant de fait les possibilités de création. Il nous semble également essentiel d’étendre le périmètre du Bachelor aux autres secteurs de diplômes du MASA Les besoins et les projets existent, par exemple autour du génie écologique ou de l’écotourisme de pleine nature en prolongement des BTS GPN et DATR.

La question des moyens, centrale, reste également en suspens : qui va faire les cours ? Des enseignants et des professionnels mais dans quelle proportion ? Avec quels moyens ? Les collègues s’engageant dans les Bachelor devront voir les cours intégrés à leur fiche de service ce qui sous-entend que des moyens supplémentaires en DGH parviennent aux EPL

Enfin comment sera gérée la problématique de concurrence entre établissements ? Un diplôme créé dans un établissement donné pourra-t-il être dispensé dans un autre ? Quelle sera la coexistence avec des Licences pro existantes ? Le déploiement de ces diplômes va donc s’accompagner d’une problématique « carte des formations » importantes.

Création d’experts associés de l’enseignement agricole

Ce statut d’experts associés vise à labelliser, entre autres, les professionnels intervenant dans les lycées agricoles, la loi leur conférant ainsi une reconnaissance officielle. Rappelons que les EPL sont intrinsèquement liés à leur tissu économique local et sont accoutumés de la présence des professionnels. Il est courant que ces derniers interviennent par le biais de vacations ou au travers de conventions locales EPL établissements publics. Que va rajouter exactement ce nouveau statut à l’existant ? Il ne doit pas remettre en cause l’agilité et les pratiques courantes de l’enseignement agricole.

Pour le SEA-UNSA, si le besoin d’ajuster les connaissances et compétences relatives aux transitions est avéré, la formation continue des enseignants et des formateurs doit être la première réponse apportée. Dès lors et compte tenu du contexte actuel de crise d’attractivité du métier d’enseignant, ce statut d’expert apparait comme un mauvais signal envoyé à toute une profession en manque de reconnaissance institutionnelle.

France service agriculture et rôle des EPLEFPA

Cet article est malheureusement bien loin de ce que nous pouvions être en droit d’attendre dans la mobilisation des EPL pour répondre aux besoins d’accompagnement des nouveaux actifs en agriculture. Il entérine le fait que les EPL se retrouvent en bout de chaîne dans le processus d’installation. Les chambres consulaires ne veulent manifestement pas lâcher leur prérogative, celles d’Agriculture ne font pas exception à la règle. Intégrer davantage les EPL avait pourtant fait l’objet de nombreuses propositions lors des concertations. La proposition étant tout à fait cohérente compte tenu de la structure des établissements agricoles CFPPA exploitations agricoles) et de leur maillage territorial.