Droit de retrait : notion souvent évoquée mais pas assez connue

Publié le jeudi 17 octobre 2024
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Actualitée partagée : Droit de retrait : notion souvent évoquée mais pas assez connue

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Droit d'alerte et de retrait, danger grave et imminent. Un représentant du personnel en F3SCT peut constater une situation présentant un danger grave et imminent et alerter le chef de service.

Droit d’alerte et de retrait :

Le droit de retrait individuel est limité et peut être risqué pour l’agent s’il est utilisé à mauvais escient. D’où la nécessité de bien étudier la situation dans l’instant.

Le droit d’alerte et de retrait sont intrinsèquement liés. Ils résultent de la directive cadre européenne n°89/391/CEE du 12 juin 1989,  transposé dans le décret n°82-453 du 28 mai relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la prévention médicale de la fonction publique. Il est très important de les faire connaître car ils doivent, si cela se justifie, être exercés ensemble.

Art 5.6 « L’agent alerte immédiatement l’autorité administrative compétente de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.

Il peut se retirer d’une telle situation.

L’autorité administrative ne peut demander à l’agent qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection. »

  • Un fonctionnaire ou agent se voit reconnaître un droit de retrait de son poste de travail face à un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, sans encourir de sanction ni de retenue sur salaire. ATTENTION, le DGI doit être reconnu !
  • Il s’agit donc d’un droit individuel, lié à la situation de travail. Ce droit est soumis à des conditions d’exercice très restrictives qui sont in fine appréciées par les tribunaux en cas de contentieux. Il y a donc lieu de se référer à la jurisprudence.

Pour l’appréciation de la validité d’exercice d’un droit de retrait, la notion incontournable est celle de danger grave et imminent.

Qu’est-ce-qu’un danger grave et imminent, le DGI :

  • Le danger grave et imminent doit constituer une menace directe pour la vie ou la santé de l’agent : une situation de fait pouvant provoquer un dommage à l’intégrité physique ou à la santé de l’agent dans un délai très rapproché. Cette notion n’exclut pas celle de « risque à effet différé » (cancer suite à l’exposition à des rayonnements ionisants). La guide de la DGFAP d’application du décret 82-453  donne la définition suivante « tout danger susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée ».
  • Pour les tribunaux, le danger va devoir être différencié du risque « habituel » du poste de travail et des conditions d’exercice du travail, même normales d’exercice du travail, même si l’activité peut être pénible ou dangereuse. Donc un travail reconnu dangereux en soi ne peut pas justifier l’exercice du droit de retrait.
  • Sous réserve de l’appréciation des tribunaux, dans la mesure ou le droit de retrait vise une situation de travail, l’exposition dite environnementale, par exemple devoir prendre les transports en commun pour venir au travail, ne constituerait pas une base solide pour exercer son droit de retrait.

Le rôle des représentants des personnels :

L’article 67 du décret 2020-1427 (relatif aux CSA dans les administrations et les établissements publics de l’Etat) est clair sur ce sujet :

Tout représentant du personnel membre de la formation spécialisée qui constate directement ou indirectement l’existence d’une cause de danger grave et imminent pour la santé ou la sécurité des agents lors de l’exercice de leurs fonctions en alerte immédiatement le chef de service ou son représentant et consigne cet avis dans un registre spécial côté et ouvert au timbre de la formation spécialisée.
Le chef de service procède immédiatement à une enquête avec le représentant de la formation spécialisée qui lui a signalé le danger ou un autre membre de la formation spécialisée désigné par les représentants du personnel et prend les dispositions nécessaires pour y remédier. Il informe la formation spécialisée des décisions prises.
En cas de divergence sur la réalité du danger ou la façon de le faire cesser, notamment par arrêt du travail, de la machine ou de l’installation, la formation spécialisée compétente est réunie d’urgence, dans un délai n’excédant pas vingt-quatre heures. L’inspecteur du travail est informé de cette réunion et peut y assister.
Après avoir pris connaissance de l’avis émis par la formation spécialisée compétente, l’autorité administrative arrête les mesures à prendre.
A défaut d’accord entre l’autorité administrative et la formation spécialisée sur les mesures à prendre et leurs conditions d’exécution, et après intervention de l’inspecteur santé sécurité au travail, l’inspecteur du travail est obligatoirement saisi.

Le droit de retrait est-il limité dans la fonction publique ? :

  • D’une façon générale, le droit de retrait de l’agent doit s’exercer de telle manière qu’il ne crée pas pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent (article 5-6 alinéa 3 du décret du 28 mai 1982).
  • La mise en œuvre du droit de retrait d’un poste de travail se doit également de ne pas faire obstacle à l’obligation de continuité du service public.
  • L’exercice de certaines activités de service public peut être incompatible par nature à l’usage du droit de retrait. La détermination des activités exclues de l’exercice du droit de retrait s’effectue sur la base d’arrêtés interministériels du ministre chargé de la fonction publique ou du ministre chargé du travail et du ministre dont relève le domaine d’activité concerné.
  • Les personnels exposés au risque de contamination du fait de leur activité habituelle (personnels de santé, personnels de ramassage et du traitement des déchets par exemple) systématiquement exposés à des agents biologiques infectieux du fait même de l’exercice normal de leur profession ou parce que leur maintien en poste s’impose pour éviter toute mise en danger d’autrui, ne peuvent légitimement exercer leur droit de retrait, au seul motif d’une exposition à un virus à l’origine d’une épidémie par exemple. Toutefois leur employeur doit impérativement prendre des mesures de protection renforcées (masques, consigne d’hygiène, mesures d’organisation, suivi médical, accès à un point d’eau et du savon, gel hydroalcoolique…) car il n’en demeure pas moins que l’employeur a une obligation de moyens et de résultats concernant la santé de ses agents. Le défaut de mesures préventives ou leur défectuosité pourraient donc, sous réserve de l’appréciation des tribunaux, constituer un motif d’exercice du droit de retrait.

Quelles sont les modalités d’exercice du droit de retrait ?

  • Le droit de retrait constitue un droit pour un agent et non une obligation.
  • Préalablement à l’exercice de ce droit, l’agent à l’obligation d’alerter son chef de service du problème à l’origine de son intention d’utiliser le droit de retrait, les textes n’imposent aucune formalité particulière (il peut le faire par oral donc). Mais, pour garder une traçabilité il est nécessaire de le faire par écrit.
  • Le signalement d’un danger grave et imminent peut être fait soit directement par l’agent soit par un membre de la CoHSCT.
  • Une fois l’alerte donnée, une enquête de sécurité doit être diligentée au terme de laquelle la condition de danger grave et imminent doit être appréciée non plus de manière subjective mais objective, c’est-à dire démontrée. L’autorité administrative ou son représentant doit procéder sur le champ à une enquête.
  • Si le signalement émane d’un membre de la F3SCT, celui-ci doit obligatoirement être associé à l’enquête.
  • Les alertes doivent être consignées dans le registre spécial côté et ouvert au timbre de la formation spécialisée, par le chef de service ou par le membre de la CoHSCT. A l’échelle de la Formation Spécialisée, donc à l’échelon régional.
  • L’autorité administrative doit prendre les dispositions propres à remédier à la situation du danger grave et imminent ; la F3SCTdoit en être informée.
  • En cas de divergence sur la réalité du danger ou la manière de le faire cesser, l’autorité administrative a l’obligation de réunir d’urgence la F3SCT compétente, au plus tard dans les 24 heures, l’inspecteur du travail territorialement compétent ou l’ISST est informé de cette réunion et peut y assister.
  • En dernier ressort, l’autorité administrative arrête les mesures à prendre, et met, si nécessaire, en demeure par écrit l’agent de reprendre le travail sous peines de sanctions.
  • A défaut d’accord sur ces mesures entre le chef de service et la F3SCT compétente, l’inspecteur du travail ou l’ISST est cette fois obligatoirement saisi et met en œuvre la procédure prévue.

En tout état de cause :

Même si les conditions d’exercice du droit de retrait ne sont pas réunies, l’employeur ne peut  jamais s’exonérer de l’obligation de prendre des mesures préventives appropriées pour protéger les agents d’un quelconque risque. En leur absence, une défectuosité du système de protection pourrait légitimement être établie.

Un représentant du personnel en F3SCT peut constater une situation présentant un danger et alerter le chef de service.

Le rôle des représentants est donc primordial.

  • Ils doivent renforcer le dialogue social avec les employeurs et les agents afin de garantir une vigilance de chaque instant en matière de prévention.
  • Ils doivent conseiller et accompagner les agents pour un usage adapté de leurs droits. Leurs interventions auprès de l’employeur peuvent permettre d’améliorer la protection de la santé des agents.