Semaine en 4 jours : une fausse bonne idée

Publié le lundi 13 mai 2024
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Le gouvernement a lancé une expérimentation qui teste une organisation du travail sur quatre jours pour les employés de la fonction publique. Annoncée par le chef du gouvernement, Gabriel Attal, cette expérimentation est prévue pour un lancement au printemps 2024. Bien que le projet de semaine en 4 jours pour les agents publics semble présenter des avantages, il soulève également des questions et des points de vigilance.

Une semaine « EN » et non « DE » 4 jours

Le projet de la semaine de travail en quatre jours telle que mis en place par le gouvernement prévoit pour les fonctionnaires une réorganisation du temps de travail, sans réduire le volume annuel de 1607 heures. Concrètement, cela signifie que les fonctionnaires travailleront le même nombre d’heures, mais réparties sur quatre jours au lieu de cinq.

Il faut donc faire attention de ne pas confondre la “semaine de 4 jours”, qui impliquerait une réduction du temps de travail, et la “semaine en 4 jours”, qui conserve le même volume horaire sur une période plus courte.

Cette nouvelle organisation du travail concernera tous les agents publics (stagiaires, titulaires et contractuels) mais ne s’appliquera pas aux professions disposant d’obligations réglementaires de service (ORS), telles que les enseignants, ni aux métiers jouissant d’une certaine autonomie pour effectuer leurs missions, comme les  personnels Jeunesse et sports ou les personnels de direction, qui ne seront pas concernés.

Une expérimentation qui questionne …

Présenté par le gouvernement comme une tentative d’améliorer les conditions de travail des agents afin de rendre la fonction publique plus attractive, cette nouvelle organisation du travail questionne.

S’il est facile d’en imaginer les points potentiellement positifs, celle-ci comporte également des aspects plus négatifs que les agents doivent appréhender avant de passer à 4 jours.

Les aspects positifs

L’expérimentation de la semaine en 4 jours présenterait plusieurs avantages possibles :

  • Un meilleur équilibre Vie Professionnelle/Vie Personnelle. Les fonctionnaires pourraient bénéficier d’une meilleure répartition du temps consacré à leur vie professionnelle et à leur vie privée.
  • Améliorer l’attractivité de la fonction publique. Une réduction de la durée hebdomadaire de travail pourrait rehausser l’attrait de la fonction publique, offrant ainsi une solution partielle aux défis de recrutement actuels et fidélisant les agents tentés par d’autres horizons professionnels.
  • Améliorer la Productivité. Contrairement à ce qu’on pourrait croire des études anglaises (1) et islandaises (2) suggèrent que des semaines de travail plus courtes peuvent mener à une augmentation de la productivité, car les employés sont plus reposés et concentrés pendant leurs heures de travail.
  • Des économies pour tous. La diminution d’un jour de travail limiterait le temps, et les frais de déplacement, mais aussi de restauration et de parking pour les agents. De la même manière, les locaux de travail moins utilisés permettraient à l’employeur de faire des économies sur l’électricité, le chauffage …

 

Les effets délétères : 

Malgré les avantages potentiels que nous venons d’évoquer, certains aspects du projet nuancent les effets positifs et soulèvent des inquiétudes en termes de QVCT. Parmi les éventuels problèmes soulevés :

  • Un jour de travail que l’agent n’aura pas forcément choisi. Le jour libéré ne sera pas automatiquement le lundi ou  le mercredi (pour les enfants) ou le vendredi. Si le jour en moin s est laissé à la discrétion de l’employeur dans l’intérêt du service, la nouvelle organisation du travail se relèvera beaucoup moins attractive et davantage contraignante.
  • Une intensification du Travail : en effet, quand il est question de semaine de 4 jours, il faut entendre le même temps de travail en 4 jours. La concentration des heures de travail sur un laps de temps plus court pourrait donc entraîner une intensification du travail, ce qui pourrait augmenter la pression et le stress au quotidien et à termes conduire davantage d’agents au burnout.
  • Un allongement des journées de travail :  en l’absence de perte de temps de travail cela signifie que les journées de travail restantes vont se rallonger.  Cette augmentation du travail quotidien peut ne pas laisser suffisamment de temps pour une récupération adéquate, rendant ainsi la journée de repos supplémentaire insuffisante pour contrebalancer la fatigue accumulée.
  • Un fort impact sur la vie sociale des travailleurs.  Les longues heures de travail empêcheront les salariés de se consacrer à des activités sociales durant ces quatre jours. De plus, lors de leur journée de repos, il est probable qu’ils soient si fatigués qu’ils ne seront en mesure d’entreprendre aucune autre activité.
  • Des conséquences délétères sur la santé avec usure professionnelle prématurée :  Une étude de 2014 (3) indique que travailler plus de 8 heures par jour ou 40 heures par semaine peut nuire à la santé, causant des problèmes cardiovasculaires, le diabète, des troubles psychologiques, et à termes un plus grand risque d’usure professionnelle. Ces conclusions sont d’autant plus pertinentes qu’elles excluent les effets du travail de nuit. Face à cela, une semaine de travail en 4 jours, bien qu’attrayante pour le bien-être des employés, pourrait en fait augmenter les risques pour la santé si elle entraîne des journées plus longues.
  • Des horaires de travail inadaptés à la parentalité.  Avec des journées de travail plus longues, les horaires risquent de ne plus être adaptés aux heures d’ouverture et de fermeture des crèches et autres structures périscolaires. Cela va devenir un véritable casse-tête en termes d’organisations familiales. Il y aura des coûts supplémentaires s’il faut payer plus longtemps une garde d’enfant ou prendre une nounou avant ou après la garderie.
  • Une dégradation du service public pour les usagers. La réorganisation des horaires pourrait compliquer la relation entre les services et avec le public, affectant potentiellement la qualité du service. Certaines professions de la fonction publique n’admettent pas de coupure d’un jour dans leurs missions.
  • Une optimisation non souhaitée des espaces de travail. L’adoption d’une semaine de travail en quatre jours pourrait également servir de prétexte pour diminuer les espaces de bureau, pour faire des économies au détriment des conditions de travail des personnels.
  • Des inégalités accrues entre les personnels. Il y a un risque que tous les agents ne puissent pas bénéficier de cette mesure de manière équitable, créant des disparités au sein de la fonction publique.
  • Une remise en question du télétravail: La mise en place de la semaine de 4 jours pourrait réduire les possibilités de télétravail, qui est une organisation du travail très plébiscité par les agents et donc rendre moins attractives les conditions de travail.  Une note de la DGAFP propose de plafonner réglementairement à 2 jours de télétravail maximum hebdomadaire pour les agents en semaine de 4 jours. Cela pourrait avoir un impact significatif sur les accords de télétravail existants.
  • Remise en cause de l’accord ARTT : parmi les changements avenir, le gouvernement n’exclut pas de diminuer le nombre de jours de RTT pour les fonctionnaires concernés, bien que le niveau exact de cette réduction ne soit pas précisé. Attention, car la journée libérée sera alors considérée comme un temps de congé… donc les congés seront calculés sur 4 jours, ce qui implique leur diminution.
  • Ajustement du Compte Épargne-Temps (CET) : Les agents devront être informés clairement sur les conséquences d’un passage à la semaine en 4 jours concernant leur CET, car pour l’instant aucun détail n’a été donné sur ce point.

 

L’UNSA Éducation exprime des réserves quant à cette modalité de travail. Dans bien des services, il existe déjà des possibilités de répartition des horaires de travail sur 4 jours et-demi, sans entrer dans cette expérimentation dont les effets seront sans doute plus avantageux pour l’employeur que pour les personnels.

L’UNSA Éducation souligne l’importance du dialogue social et du volontariat dans l’expérimentation de la semaine de 4 jours. Elle insiste sur la nécessité d’informer clairement les agents sur toutes les conséquences possibles, notamment en ce qui concerne les RTT, le compte épargne-temps (CET), les congés, et le télétravail. Le passage à la semaine en 4 jours doit être également réversible pour les personnels qui auront fait le choix de cette nouvelle organisation du travail.

L’UNSA Éducation condamne également l’absence de dialogue social réel avant le lancement du projet et appelle au respect du rôle des instances de représentation du personnel.

 

(1) Une étude menée par Jean-Emmanuel de Neve, professeur associé à l’Université d’Oxford, a observé les employés de British Telecom travaillant quatre jours par semaine. Les résultats ont montré que les employés étaient plus heureux et plus productifs, avec une amélioration notable dans la qualité des appels et la satisfaction des clients

(2) Entre 2015 et 2019, environ 2500 Islandais ont participé à des expériences pour évaluer l’effet d’une semaine de travail plus courte sur la productivité. La réduction de la semaine de travail de 40 heures à 35 ou 36 heures n’a entraîné aucune baisse de productivité, tandis que le bien-être des travailleurs s’est amélioré, notamment en termes de stress perçu et d’épuisement professionnel

(3) BANNAI A, TAMAKOSHI A -The association between long working hours and health: a systematic review of epidemiological evidence. Scand J Work Environ Health. 2014 ; 40 (1) : 5-18

Article publié sur le site UNSA éducation

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